I – A MADAME LE PROFESSEUR Henriette WALTER, linguiste.
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HENRIETTE WALTER,
Professeur honoraire de linguistique à l’université de Haute-Bretagne
Ex. Directeur du Laboratoire de Phonologie EPHE (4ème Section), Paris
Présidente de la Société Internationale de Linguistique Fonctionnelle
Membre du Conseil Supérieur de la langue française
Membre du Conseil International de la Langue Française
Officier de la Légion d’Honneur
Commandeur des Arts et Lettres
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Chère madame,
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Vos ouvrages sur les langues, qui font autorité, m’ont beaucoup apporté. Je vous l’ai dit au cours de conversations téléphoniques antérieures, et je le souligne encore, comme vous étant redevable. Je ne suis pas comme ces jeunes « sçavants », qu’on a accoutumé à croire qu’ils peuvent extraire de leur maigre substance cérébrale tout leur savoir, alors qu’il ne connaissent pas même l’orthographe, et qui font la leçon aux professeurs les plus doctes, avec quelle agressivité encore ! A mon âge, je suis toujours heureux de me mettre à l’école de ceux qui en savent plus que moi, et de les remercier de vouloir bien m’instruire.
Au cours de mes conférences et de mes émissions consacrées aux langues (dans Google : mélennec langues), j’ai souvent cité, nous qui avons tellement souffert de persécutions, et d’un lavage de cerveau absolu concernant nos origines, votre phrase maintenant bien connue de nombreux bretons :
« Le français n’est rien d’autre qu’un patois qui a réussi ».
Rien n’est plus exact. Si la langue francilienne, celle de la région de Paris, a été peu à peu imposée par les Capet, devenus rois de France en 987, c’est parce qu’ils en ont fait leur langue administrative pour tout leur royaume, ce qui était naturel, de leur point de vue. Ce royaume s’étant étendu au fil des siècles – aux dépens de ses voisins, souvent par la violence et la violation du droit -, le français est devenu la langue des élites. Ce à quoi il n’y a rien à dire, car c’est un processus mondial de la propagation des langues. La géniale révolution dite « des droits de l’homme », a achevé l’oeuvre des capétiens. Les capétiens étaient des administrateurs, soucieux de mettre à la disposition des régnicoles une langue administrative unique, permettant aux uns et aux autres de se comprendre. Leur volonté n’allait pas au delà. Presque tous les rois de France, à de rares exceptions près, ont essayé de se comporter en bons pères de famille, expression chère au code civil. Aucun d’eux n’a commis de crime ni contre les nations, considérées en tant que telles, qui composaient leur royaume, ni les langues parlées par leurs sujets, et ceux administrés par eux.
En 1789, les Bretons revendiquaient avec fierté leur nationalité bretonne, sans que cela gène personne.
Les cinglés de 1789 achevèrent le travail de progression naturelle de la langue administrative, mais cette fois sur le mode criminel. Idéologues de la même trempe que Pol POT, ils assassinèrent les langues locales, rabaissées par eux par des appellations infamantes et humiliantes : patois, jargons, langues des cavernes, etc … Munis d’un gourdin, ces autres patoisants, au nom de leurs délires, mirent à mort les vieilles langues, plus anciennes et plus nobles que les leurs.
Nous, Bretons, sommes devenus des experts pour parler de ces persécutions. Des génies comme M. Jean-Luc Mélenchon utiliseraient volontiers la terminologie des délirants de 1789, si on les laissait faire. Des sénateurs bretons ont voté contre la langue de leurs pères il y a peu d’années : c’est dire que nous ne sommes pas beaucoup mieux.
(NB. Cherchez leurs noms dans Internet; ne manquez pas, si vous les croisez sur votre chemin, de leur jeter ce bon souvenir au visage).
La langue française ne comporte aucune qualité particulière, qui la rendrait supérieure aux autres; nous sommes nombreux à l’avoir écrit, et à l’avoir démontré (écouter mon émission sur Lumière 101, intitulée « Le bêtisier des langues », consacrée entièrement à ce thème, après des années de réflexions et de recherche en linguistique). Un linguiste breton, rejeté par la bien-pensance française et bretonne, mais génial – non pas parce qu’il est breton, mais parce qu’il est génial -, m’ a écrit, longues preuves à l’appui : « Le français est l’idiome le plus minable d’Europe ». Je n’ai aucune qualité pour confirmer cette opinion, ne parlant correctement qu’une seule langue, celle du colonisateur; mais je suis sûr qu’elle contribuera à panser quelques plaies encore béantes en Bretagne, et qu’elle va susciter de nombreuses réflexions bénéfiques.
Cela remet les choses à leur juste place, et rabattra le caquet de quelques ignares. (Je ne pense pas seulement à ceux qui opèrent dans Wikipédia !).
Le ton de mon livre bleu, que vous me dites avoir reçu – en même temps que le texte de l’article « Comment les Bretons sont devenus français » -, est parfois violent, c’est vrai. Mais justifié. Vous en jugerez à partir de la page 55 de l’ouvrage. Comme les Juifs et les Arméniens, nous portons dans notre esprit ces blessures jamais cicatrisées : l’oeuvre « civilisatrice » immortelle de la France est toujours là, puisque notre langue bi-millénaire est quasi morte, des oeuvres du pays des droits de l’homme.
Ce livre a été téléchargé plus de 200 000 fois. La France « démocratique » fait semblant de l’ignorer : peine perdue : tous les députés, tous les sénateurs, le président de la république, le premier ministres, un grand nombre de journalistes, l’on reçu, et lu. Il fut même, je le rappelle, à peine sorti des presses, commandé en deux exemplaires, (ce « deux » étant souligné dans la lettre manuscrite émanant de l’Hôtel Matignon, sur papier à en-tête de la République des droits de l’homme) : tout le monde sait, tout le monde se tait, sûrement par honte.
Au plan linguistique, la France peut invoquer, parmi d’autres calamités, la destruction de civilisations entières, un véritable désastre culturel. Le monde entier sait que les langues sont des joyaux, qu’il faut préserver à tout prix; la France, mère des arts, des armes et des lois, ne le savait pas. Excusez du peu. M. Mélenchon non plus.
Je vous redis ma conviction sur ce que l’on nomme « la langue gauloise ».
A mon avis, elle n’a jamais existé.
César dénombre plusieurs dizaines de nations dans la Gaule, avec des moeurs, des coutumes, des dieux souvent différents, des monnaies différentes … Les constitutions de ces petits états gaulois sont très différentes les unes des autres. Il n’y a ni souverain gaulois, ni gouvernement unique, ni législation unique, ni administration, ni fiscalité uniforme..
Il y a bien une civilisation celte. Mais la langue ?
SE PEUT-IL QU’IL Y AIT UNE LANGUE UNIQUE, là où, au moment du serment de Strasbourg, en 843, non seulement il n’y a pas de langue unique, mais on ne sait pas même dans quel idiome ce texte est écrit. Mieux : en 1789, seulement 20 pour cent des habitants du royaume parlent le langage de la Cour; on dénombre alors en France 30 langues locales !
MIEUX ENCORE : dans mon enfance, en 1950, après quatre siècles et demi de colonisation française, un siècle et demi après la mise en oeuvre systématique de la destruction de notre langue, beaucoup de vieux bretons étaient unilingues, et ne connaissaient rien de la langue française ! C’était le cas de mes deux grands parents maternels : je suis donc témoin irréfutable que plus de quatre siècles de colonisation très dure sur l’étendue d’un royaume centralisé, même avec des techniques terribles de répression mentale, ne créent pas une langue unique, loin de là.
Jugez de ce que fut la tour de Babel gauloise ! Et ce que pouvait être le français, qualifié par les cinglés de Paris de « langue universelle », de langue « parlée par tous les peuples civilisés d’Europe et d’ailleurs » !
Se peut-il qu’il y ait eu, 2000 ans auparavant une « langue gauloise » unique, dans ce salmigondis de peuples et de cultures, même s’il est vrai qu’ils ont partagé en commun quelques traits de civilisation, qui donne de loin une image en trompe-l’oeil ? C’est, de mon point de vue, impossible.
Voila un beau sujet de thèse. Je crois que des centaines de tonnes de littérature doivent être jetées au bûcher.
Je serai ravi de détruire un nouveau mythe.
D’ailleurs : PERSONNE N’A JAMAIS VU LA COULEUR DE LA LANGUE GAULOISE. On cite tout au plus quelques mots de cette prétendue langue, qui ne laisse aucune trace littéraire nulle part. Quelques bribes existent, quelques inscriptions, ici ou là, c’est vrai. Mais je crois que nos savants linguistes ont construit des pyramides d’incertitudes et d’hypothèses, par cette même opération intellectuelle qui fait que d’autres « sçavants » ont reconstitué des civilisations entières à partir de trois ou quatre pierres découvertes dans un désert, comme d’autres ont reconstitué des villes englouties à partir de cinq ou six rochers aux contours anguleux, évoquant de loin des constructions humaines. Moins on sait, plus sont épais les livres écrits sur ce qu’on ne sait pas.
J’adresse cette lettre à plusieurs personnes qualifiées en linguistique. Il serait intéressant de connaître leur avis. Et nous nous fierons à des arguments, s’ils sont sérieux, voire irréfutables.
Respectueusement.
LOUIS MELENNEC, historien. A Paris, ce 26 juin 2015.
Photo B.K. Paris, 2008.
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II – LETTRE OUVERTE A M. Jean-Luc MELENCHON, HUMANISTE, cher grand ami de la Bretagne et du Tibet. Sur les Bretons et sur la langue bretonne (Paris, le 25 septembre 2016).
Bien cher monsieur Mélenchon,
NB. Des humoristes me font observer : heureusement qu’il y a WIKIPEDIA, l’encyclopédie des encyclopédies ! Là opèrent des « sçavants » qui inventent tout, sans avoir jamais rien lu. Les miracles existent, donc. Et pas seulement en terre bretonne !
D’autres ajoutent : Vous oubliez M. Mélenchon, grand admirateur de l’oeuvre civilisatrice de la Chine au Tibet ! Non, je n’oublie rien : il vient de recevoir une lettre écrite de ma main, qui sera publiée : il avait encore voulu se rendre intéressant, en prétendant que le breton …. est une création de l’Allemagne nazie, et que le breton est la langue de la collaboration. Difficile : tous les allemands parlaient le français, les collabos français – des millions -, connaissaient pour un certain nombre l’allemand. Wikipédia, l’encyclopédie de toutes les erreurs, devrait l’embaucher comme collaborateur attitré, et définitif. Il est le digne successeur de M. Marchais : nous allons bien rire lors des prochaines présidentielles ; il sera sur les tréteaux des foires. Réservez vos places, le spectacle sera gratuit !
Attention : la statue d’Anne de Bretagne, à genoux devant le roi ennemi Charles VIII, envahisseur de la Bretagne, fut plastiquée à Rennes en … (cherchez la date : excellent exercice pour les ignares !)
UN FESTIVAL MELENCHON EN BRETAGNE ?
Pourquoi pas ? Ce sera un concentré des sottises que l’on a pu proférer sur le peuple breton, sa langue, sa culture, son histoire. Et à quels désastres historiques conduisent les idées fausses et simplistes qui ont abouti le régime que l’on sait à assassiner plus de 200 millions de victimes innocentes depuis un siècle.
On y ajoutera la stupidité française d’avoir bâti le roman national français sur des crimes abominables, là ou il aurait fallu les condamner avec la plus extrême sévérité.
L’histoire de France, qui n’est sans doute pas plus laide que celle de beaucoup d’autres pays, aurait du commencer, d’emblée, par une condamnation péremptoire et absolue des crimes perpétrés par des fous, non par le peuple français, qui les a subis, comme les Bretons ont subi les crimes commis en Bretagne par ces dérangés mentaux.
Lisez dans Google : Mélennec Mélenchon.
Ce sera déjà une introduction.
Addendum : les préliminaires du Cirque Mélenchon, ce 25 septembre 2016, sont commencés : précipitez vous, il vient de donner un coup de fouet à sa carrière d’humoriste diplômé !